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Pour nous parler
de la profession,
nous avons rencontré
Jean-Philippe Clément. |
Entre deux ruches, il peut y avoir un monde de différences.
Il y a quelques mois, nous vous parlions de nos amies les abeilles et de quelle manière l'homme intervenait dans la destruction de son milieu naturel, mais également dans sa préservation. En ces temps où le mot néonicotinoïdes est presque sur toutes les lèvres du monde apicole, mais pas seulement ; ceux qui vivent avec l'écologie en toile de fond y sont aussi très attentifs, nous avons souhaité aborder à nouveau ce sujet, sur son versant professionnel cette fois-ci.
Suite aux aléas d'une vie qu'on ne maîtrise pas toujours, ce "jeune agriculteur" s'installe près de Langeac à Lachaud-Curmilhac. En Haute-Loire, c'est un vrai challenge personnel que d'essayer de gagner sa vie en mode local ; l'artisanat se voyant récompensé souvent à long terme, le commerce de proximité étant lui fortement perturbé par l'offre concurrentielle et agressive sur internet et l'agriculture traditionnelle étant sous forte tension foncière quant à ses besoins de surfaces. Cela n'a pourtant pas effrayé Jean-Philippe, mais bien au contraire l'a aiguillé dans son choix d'installation.
Pas de moutons, pas de vaches, pas de céréales mais des abeilles et la nature comme fil conducteur. Le contexte de ce métier est certainement plus favorable et sa flexibilité offre à notre apiculteur un confort de mobilité.
Cette profession est propre à la distinction entre l'activité dite de loisir et celle d'une pratique apicole professionnalisée. Tout d'abord, il y a trois axes définis légalement en France : loisir, semi-professionnel et professionnel. L'apiculteur de loisir, avec ses quarante neuf ruches maximum n'est pas autorisé à vendre son miel, ni aucun autre produit de sa production. Car pour cela, il faut déclarer son activité et donc disposer d'un SIRET.
Le cotisant solidaire, qui possède entre 50 et 199 ruches, aura lui la possibilité de vendre ses produits, dans la mesure où son activité est déclarée. Dans le cas de l'apiculteur "pro", il doit posséder un minimum de 200 ruches, ce qui est le cas de Jean-Philippe et peut alors vivre pleinement de son activité.
Il est difficile d'appréhender ce qu'un tel cheptel d'abeilles représente en termes d'organisation administrative et de travail quotidien. Souvent ce métier paraît facile mais il faut savoir qu'un investissement financier est de mise. Matériel nécessaire, les équipements, la constitution du cheptel d'abeilles, ajoutez à cela de longues journées de labeur, vous comprendrez qu'on est loin d'un travail aisé. Et puis, essayons d'imaginer un instant que nous ayons à déplacer ces ruches pour les besoins de récoltes. Il nous faut attendre le crépuscule, voire la fin de journée, quand les demoiselles à pollen sont toutes rentrées au "bercail". Nous voilà donc partis pour une journée à rallonges.
Après l'acquisition du Brevet Professionnel de Responsable d'Exploitation Agricole - Spécialité Apiculture, lui donnant ainsi la capacité agricole, notre agriculteur va devoir faire face à des jugements hâtifs. Un informaticien, la quarantaine, qui se lance dans l'apiculture, ça fait un peu "bobo" sur le papier. En réalité, notre homme est d'abord un autochtone ayant grandi en Haute-Loire dans le petit village où il s'est installé depuis. Aujourd'hui, il a su surmonter ce "délit de faciès" et prouver qu'il est totalement investi dans l'économie locale. D'autant qu'il vient s'ajouter de par sa spécialisation, une fonction supplémentaire appelée Technicien Sanitaire Apicole (dès l'instant où il est conventionné avec un vétérinaire), particularité non négligeable, qui renforce son statut de professionnel.
Fonction qu'il a eu l'occasion d'exercer au sein du Groupement de Défense Sanitaire Apicole-43 ; une association favorisant la protection de la santé fragile des abeilles auprès d'un public majoritairement composé de particuliers. On peut dire à ce niveau que Jean-Philippe est devenu par ses engagements et sa volonté, un acteur indéniable dans le développement et la transformation des produits de la ruche.
L'autre aspect de ce monde professionnel est la pratique collaborative avec les autres acteurs agricoles. Notamment, la pollinisation des cultures, la mise à disposition d'emplacements pour les ruches. Il s'agit bien là d'un pacte gagnant-gagnant où chacun profite des bienfaits de la présence de l'autre.
La vie des Ruches du Haut-Allier.
La première année de l'installation apicole de Jean-Philippe est blanche. Il lui faut acheter des essaims et constituer son cheptel, trouver les opportunités et planifier les transhumances.
2019, deuxième année, va être critique… Principalement à cause des conditions climatiques désastreuses et sans précédent. La saison entière est mise à mal, entraînant côté finance et investissement, une rentabilité exaspérante allant même jusqu'à ronger la volonté et les forces de notre apiculteur.
Les abeilles n'étaient plus en mesure de récolter ni de se nourrir elles-mêmes ! Sans compter sur quelques déboires obligeant Jean-Philippe à investir dans un nouveau véhicule alors que les charges, elles, ne cessent de croître. Bref, une année extrêmement compliquée pour l'exploitation.
2020, débute timidement... La reconnaissance de calamité apicole pour l’année 2019 permettra à Jean-Philippe, comme aux autres apiculteurs professionnels affectés, de voir cette nouvelle saison de façon plus optimiste. Pourquoi "plus optimiste" me direz vous ? Et bien, il faut également prendre en compte le confinement. Tout le monde le sait, cette année 2020 et la COVID19 auront été synonymes de difficultés sans commune mesure. Les déplacements longue distance qu'implique la transhumance des abeilles, les étals de marché qui sont considérablement limités et la nécessité de s'adapter à cette situation inédite et contraignante. De quoi susciter l'inquiétude de l'exploitant. Mais heureusement, la météo particulièrement généreuse durant cette période aura fait de nos amies volantes des travailleuses émérites qui ont butinées au point de permettre une récolte digne de ce nom.
LÉGENDES
1 / L’ADA AURA est une association assurant la promotion de l'apiculture qui réunit en son sein toutes les formes
d’apiculture. Par un programme d'actions complet, l'ADA œuvre au développement de l’apiculture régionale.
Pour cela, elle combine les expérimentations et les tests, afin de produire des données et des actions de conseil et
de communication qu'elle diffuse ensuite auprès de ses adhérents. C'est ainsi qu'elle apporte aux apiculteurs le
partage d’expériences et les techniques permettant à toutes les exploitations jeunes et moins jeunes d'être
accompagnées et de progresser dans leur activité. L’ADA AURA agit également au-delà du monde apicole
pour représenter la filière régionale et pour sensibiliser dans le but d’améliorer l’environnement de l’abeille.
2 / DDT La Direction Départementale des Territoires est un service déconcentré de l'État français
créé au 1er janvier 2010, prenant la forme d'une direction départementale interministérielle,
placée sous l'autorité du préfet de département.
3 / SAPAura est un syndicat né en 2007 d'un regroupement des unités syndicales apicoles de la
région Rhône-Alpesavec celles de Bretagne et du Centre-ouest, mutualisant ainsi les forces et
permettant de faire entendre d'une seule voix l'apiculture professionnelle.
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Récompensé dès les deux premières
années ce n'est pas rien !
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Les Ruches du Haut-Allier et sa philosophie.
La première des volontés de Jean-Philippe est de développer de façon continue son exploitation, ceci par, la diversification des produits, la transformation du miel, la cueillette des plantes et des fleurs naturellement comestibles et par la réintroduction de recettes anciennes, oubliées sur le chemin du passé.
De plus, il s'efforce de tisser du lien entre clients, confrères. Protecteur de ce que la nature peut encore nous offrir, sapeur-pompier volontaire, acteur de la vie municipale et œuvrant en tant que parents d'élève, Jean-Philippe est en tout point un personnage engagé et en plus de ses valeurs, il aime partager sa passion pour son métier.
C'est pour cela qu'il a tenu, peu avare de kilomètres, à nous transporter de pré en pré à la rencontre de ses protégées. Très honnêtement il y a de quoi jalouser les abeilles. Entre tranquillité et nature saine, entre lieux bucoliques et vues imprenables, entre rivière et couleurs automnales, s'il n'y avait pas la menace des frelons, elles ne seraient pas à plaindre ! Nous avons eu lors de ce reportage, l'occasion de goûter des pains d'épices succulents, d'agrémenter notre café de miel de châtaigner "local", c'est assez rare en Haute-Loire pour le souligner. Mais aussi de tester des pâtes de fruits maison qui nous ont rappelé savoureusement celles des quatre-heures chez nos grands-mères.
Autour de ces délices, Jean-Philippe nous confie ce qu'il attend de demain. L'homme aime avant tout se remettre en question et est à l'initiative de plusieurs projets. L'un d'eux est l'installation d'un rucher urbain en collaboration avec la ville de Brioude. Un autre est aussi atypique qu'intéressant car il regroupe plusieurs objectifs dans un même temps. En effet, cette année 2020 voit la fête des 150 ans de la ligne ferroviaire Cévenol entre Marseille et Clermont-Ferrand. Durant ces festivités, dont certaines ont été reportées à 2021 pour raisons sanitaires, Jean-Philippe a soumis l'idée de pratiquer une transhumance ferroviaire en partenariat avec les organisateurs et AP2800*, l'Association des Passionnés de l'autorail X2800**. Aussi insolite que soit cette idée, elle permettrait de faire voyager les petites bêtes, en réduisant l'empreinte carbone de ce déplacement. Mais également de permettre au public de découvrir l'apiculture et son univers.
Enfin son dernier projet, de plus grande ampleur celui-ci. L'idée de l’agrotourisme en découle directement. Pour cela notre apiculteur "hyperactif" travaille sur l'hébergement, la restauration, la visite et l'animation à la ferme. Une dimension ambitieuse pour ce projet que nous espérons voir se concrétiser.
Jean-Philippe nous aura beaucoup appris de cette approche apicole différente qui permet aux apiculteurs professionnels d'être des acteurs, à part entière, du monde agricole. Travaillant de concert avec leurs différents confrères de la profession. Preuve ici que notre monde bouge et que nous devons tous œuvrer dans ce sens.
* www.ap2800.fr
** La série X 2800 est un modèle d'autorail français dont le 1er exemplaire fut livré le 28 mai 1957 au dépôt de Carmaux dans le Tarn. C'est le plus puissant des autorails monocaisses et monomoteurs français à l'époque, spécialement conçu pour la traction de plusieurs remorques sur des lignes de montagne et à profil difficile. Sa robustesse et sa longévité furent exemplaires, puisqu'il a été en service de 1957 à 2009.
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Les Ruches du Haut Allier
Curmilhac Haut
43300 Vissac-Auteyrac
+ 33(0)7 81 04 80 80
www.facebook.com/RuchesHtAllier
45°07'38.7"N 3°37'16.6"E
45.127409, 3.621287