décembre 2024
ARTISANAT
Distillerie locale - Whisky Haute-Loire
Une distillerie aux grandes idées immodérées.
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Cachée dans un havre de paix bucolique proche de Saint Jeures, Jacques a implanté depuis deux années sa distillerie pas comme les autres. Nous avions entendu parler d'un personnage qui allait élaborer un whisky altiligérien, alors bien entendu nous sommes allés à sa rencontre.
C'est dans ses origines cantaliennes que cet œnologue - ingénieur process agronome de formation, a puisé son inspiration de distillateur. Les reliefs du Cézallier lui ont fait faire, pendant ces pérégrinations juvéniles, le rapprochement entre ces paysages de landes et de petits lacs tourbés du Cantal avec ceux de l'Écosse, terre d'origine des whiskys les plus connus. De là lui est venue l'envie de faire sa propre création d'alcool puisqu'en France il n'y avait pas encore de production locale. Mais à cette période de sa vie et dans les années 80, la réussite d'un tel projet lui apparaissait encore bien loin d'un aboutissement professionnel. C'est donc comme pour beaucoup d'artisans, après un long parcours parsemé de différentes expériences de travail que Jacques a enfin donné naissance à sa passion première. Avec l'aide et surtout avec le soutien moral de son dernier employeur, il a pu dans la grange familiale de son épouse créer sa distillerie.
Tout viendra à point pour qui saura attendre.
Le whisky, ça ne s'invente pas ! Il faut trois années entières de vieillissement pour que le précieux liquide soit objectivement consommable et commercialisable. Bien obligé donc de choisir une voie tampon pour que cette entreprise soit rentable et que cette passion ravivée perdure suffisamment pour laisser une chance à Jacques d'extraire du tonneau son whisky de Haute-Loire.
Également fondu de botanique, il se penche alors sur le potentiel altiligérien et ses plantes, à la fois savoureuses, abondantes, non menacées sur lesquelles des prélèvements mesurés peuvent être effectués dans une certaine intelligence d'anticipation protectrice.
L'homme aurait pu se contenter de distiller quelques plantes aromatiques basiques et faire simplement de l'eau-de-vie avec l'achillée ou la cistre, mais son envie d'aller encore plus loin dans sa démarche créative l'a dirigé vers la réalisation de ses propres recettes. Le gin et la vodka aux plantes deviennent alors le vecteur commun de ses premières recettes élaborées à la cistre, la verveine, la myrtille, la framboise ainsi que le serpolet, entre autres. Il en est une qui se targue d'une inventivité démarquée, celle d'automne aux girolles et aux cèpes. Jacques n'est pas économe d'efforts alors, il ne s'arrête pas qu'aux diverses concoctions de gin, il crée en parallèle des liqueurs de sureau, de gentiane, de myrtille, de menthe ou certaines plus inattendues encore... Il faudra dans certains cas, comme la gentiane, quatre mois de macération dans des amphores adaptées pour enfin passer à la distillation. Pour la plupart, les ingrédients sont récoltés sur place. De cette manière, le distillateur connaît avec exactitude la provenance de sa matière noble et en fait un argument de qualité indéniable.
Distillons ensemble.
Dans la pièce immense, un céphalopode multibras affiche orgueilleusement ses reflets cuivrés et argentés. Sa majesté "Le Grand Alambic" est fière de déployer sa force tranquille et influence clairement notre champ de vision de sa toute-puissance en donnant au lieu un air chaleureusement accueillant. |
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À quelques petits mètres de lui, l'alambic "junior" a été mis en chauffe quelques heures avant notre arrivée à la distillerie MEZENK. Le macérat de gentiane a été préalablement intégré, de ce fait nous abordons le sujet à une étape moins contraignante pour nous. Jacques, qui connaît ses alambics sur le bout des doigts, s'affaire néanmoins pendant une demi-heure à maîtriser la balance chauffe/refroidissement, moment crucial pour l'équilibre du "zinzin" comme il le surnomme. Une surveillance accrue du taux d'alcool grâce à l'alcoomètre s'ensuit. Nous entrons dès lors dans la partie technique du procédé de distillation.
C'est maintenant qu'il nous faut accrocher les wagons entre eux si nous souhaitons ne pas "dérailler" compte tenu des précieuses données que nous formule, tout en maîtrise, le distillateur local. |
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Ainsi nous découvrons qu'il coupe les têtes et pas à la manière de Robespierre. Ce sont en fait les premières gouttes à sortir du petit goulet de fin de parcours, car souvent elles ont un goût fortement herbacé et sont donc peu goûtues. Environ 1% de la quantité totale du volume de liquide sera supprimé. Puis, après quelques heures de distillation, c'est au tour des queues d'être éliminées. Car l'arôme de ces dernières égouttures devient moins intéressant sur le plan gustatif. Ensuite, Jacques selon les indications de l'alcoomètre, et en dehors des petits secrets de fabrication que seul notre distillateur saint jeurois est en capacité de vous dévoiler, teste du bout des lèvres et du palais le fruit de ce travail et c'est à cet instant précis que la réussite est atteinte ou non. |
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Dans tous les cas ou presque, un peu de ces têtes et queues sont préservées pour un deuxième passage en alambic. Principalement pour récupérer un plus de rendement ou bien un ajout aromatique si le produit précédent n'était pas tout à fait satisfaisant. Nous nous prêtons au jeu du goutteur et bien que la gentiane distillée aujourd'hui ait une réputation d'amertume marquée, il n'en est rien sur ce premier passage. Nonobstant, l'arôme de la plante et de sa racine est bel et bien présent et en dit long sur ce que deviendra le produit finalisé.
La complexité du procédé est à la hauteur de celle du produit fini et cet ensemble est le reflet d'un copieux acharnement quant à l'obtention d'un résultat incontestable. Nous ne sommes que d'humbles transmetteurs. Le savoir de cet homme est d'une telle amplitude, qu'il nous sera difficile de vous le transcrire sans faire l'impasse sur des clés importantes de la réalisation globale de ses recettes. Nous vous conseillons vivement de passer du temps auprès de Jacques pour qu'il vous diffuse en circuit court les informations détaillées. De plus, nous ne le trahissons pas en vous dévoilant qu'il adore cette passation culturelle. Nous ne vous montrons ci-dessous que le fruit graphique de ses recherches abouties. |
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Jarres surprises.
En perpendiculaire à la longueur de la distillerie, trois jarres font barrage à la partie réservée à la dégustation. Elles sont d'une taille conséquente et sont constituées de terre cuite. Au-delà du fait qu'elles sont d'une beauté intrigante, Jacques nous précise pourquoi il a fait le choix de cette matière pour la macération de ses plantes. La terre cuite permet micro oxygenation naturelle à l'intérieur et évite ainsi l'emprisonnement des mauvaises molécules pouvant altérer l'essence même de la plante. |
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Pour nous le démontrer, il nous propose de jouer au nez de parfumeur et de placer notre appendice au-dessus de l'orifice qu'il vient de déboucher.
C'est alors que les effluves d'un parfum de fruit rouge envahissent notre cloison nasale, réveillant ainsi toute notre plasticité synaptique en formant les connexions avec notre imagerie contextuelle. Nous voici virtuellement projetés dans les bois à cueillir des framboises sauvages. Avec ce mélange odorifère de sous-bois, de mousses, de fruits, nous oublions rapidement le fait de la macération pour nous laisser guider dans cet instant privilégié où la nature et l'homme sont en parfaite harmonie. |
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Sous le plancher, un "précieux" nous attend.
En passant par l'extérieur, nous rejoignons maintenant la cave sous le plancher de la distillerie. Nous y découvrons plusieurs rangées de tonneaux abritant le précieux liquide que Jacques va encore "couver" de nombreux mois.
Vous l'avez sûrement deviné, il s'agit du fameux whisky en devenir. Ces tonneaux estampillés MEZENK au milieu de ces pierres traditionnelles et d'une humidité constante forment un cérémonial aux ambiances attrayantes.
Réglementairement, le whisky est une base d'eau vie de céréale. Traditionnellement, l'orge est de mise, mais l'avoine, le blé, le maïs, etcétéra pourraient tout aussi bien être utilisés. Dans le cas du MEZENK ce sera donc l'orge que Jacques aura privilégiée non sans imaginer pouvoir un jour y ajouter du seigle, mais ceci est une histoire pas encore éclose. Le distillat de malt vieillissant dans ces réceptacles boisés promet une livraison d'environ 1500 bouteilles.
Les fûts utilisés sont neufs, mais de différentes essences de bois. Ainsi le vieillissement et les chauffes variées de leur fabrication donneront à terme au produit des notes mêlées plus complexes, plus rondes, plus étoffées. Une importance capitale aux yeux de Jacques et c'est pour cela qu'il se fournit auprès d'une petite entreprise tonnelière familiale avec laquelle il a pu choisir ses tonneaux en commençant par l'arbre, son âge et ainsi de suite jusqu'à l'assemblage final. |
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C'est aussi pour préserver la qualification artisanale du process que ce choix de proximité avec la matière première a été volontairement acté.
Jacques nous propose du fait une métaphore parmi d'autres que vous aurez appréciés tout au long de votre visite et dont il a le secret, pour que nous puissions faire le distinguo entre un tonnelier numéro un au monde qui sort d'usine 800 tonneaux par jour et un tonnelier familial qui fabrique sur mesure les huit tonneaux dont vous avez besoin.
Revenons à ce qui se trame dans ces cuves de bois. Douze mois déjà que le liquide peu à peu prend son équilibre. Il lui reste environ 24 mois encore avant d'atteindre une qualité plénière et d'être définitivement transvasé dans des bouteilles en verre. Enfin et seulement à cet instant, les amateurs de whisky pourront apprécier à sa juste valeur ajoutée tout l'amour et la passion que Jacques a su concentrer dans ses efforts.
Avant de quitter ce talentueux distillateur et avec son accord, nous jouons une fois de plus de notre nez au-dessus de quelques-uns des tonneaux pour comprendre les différentes étapes de vieillissement de ce qu'ils contiennent. Il en est un tout particulièrement qui nous a "scotchés" sur place et nous allons devoir faire preuve d'une désagréable et longue patience avant de pouvoir user de nos papilles gustatives et d'enfin goûter cette merveille en devenir.
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Merci à Jacques Viguier pour cette présentation et son insatiable transmission de savoirs sans omettre sa gentillesse exacerbée.
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MEZENK
Distillerie en terre volcanique
655 Chemin de Laprat
lieu dit Les Bouix
43200 SAINT JEURES
contact@mezenk.com
+33(0) 6 27 38 65 64
www.mezenk.com
45°07'54.9"N 4°11'35.9"E
45.131921, 4.193313
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