avril 2023
ÉCOTOURISME
imaginaire naturel
L'imaginaire poussé à son paroxysme
Dans l'esprit de chacun d'entre nous existe un univers libre et parfois débordant.
Si vous en doutez, il existe un lieu insolite en Haute-Loire fait pour vous en convaincre, la Pinatelle du Zouave. Un parc de pins sylvestres tous plus biscornus les uns que les autres. Nous avons voulu tester notre capacité à laisser vagabonder nos bestiaires et autres fantaisies chimériques. Suivez-nous dans un monde féerique juché entre forêt de Brocéliande et celles hantées de Tim Burton.
Retour en force d'une enfance bien méritée.
Gamins ! Voilà ce que nous redevenons quand nous pénétrons dans cette parcelle de forêt de pins. D'emblée, les arbres vous accueillent à bras ouverts avec leurs branches incomparables. Une foule végétale heureuse de vous rencontrer, célébrant votre arrivée avec ferveur. Cet insolite moment pousse instantanément nos yeux à s'écarquiller et à essayer d'augmenter notre angle de vision. Il y a tellement d'arbres aux formes variées que même un caméléon surentraîné en perdrait sa capacité de camouflage.
La magie opère fougueusement et déjà notre bestiaire enfantin fait son apparition. Les vestiges des plus anciens pins forment tour à tour des silhouettes qui tantôt font penser à des animaux, tantôt à des personnages tout droit sortis des épisodes de Star Wars ou encore à des créatures imaginaires inventées par nos cerveaux quelque peu névrosés.
Ce qui compte in fine c'est le pouvoir de ces arbres tordus qui oblige nos esprits à entrer dans leur monde et à perdre notre raisonnement d'adulte. Parfois, un seul tronc aura pris des zigzags dignes du rallye de Corse, d'autres se seront séparés en trois ou quatre nouveaux troncs et auront tenté de rejoindre le ciel quoi qu'il arrive. Certains feront du rase-mottes pour essayer de se boyauter le plus discrètement possible et ainsi profiter de l'ombre de leurs comparses.
Ces volutes et torsions involontaires, nous vous expliquerons pourquoi après, poussent vers des extrapolations cérébrales utopistes et des fantasmes esbroufeurs. Nous sommes à la limite de l'infantile avec une envie refoulée de rejoindre les petits pirates, les petits chevaliers, les princesses, les marins de haute mer et les pseudos Peter Pan en train de construire leurs cabanes sur l'aire de jeu aménagée et dédiée à cette activité. |
|
Vous l'aurez bien compris, vous êtes ici dans une forêt magique. Une végétalisation hors du commun qui a pour seul but de vous faire oublier un monde aride, vide de sens temporel. Vous êtes invités à déambuler dans un cadre parsemé de formes étranges admirables accompagnées d’effluves boisés au doux parfum de landes ensoleillées. Notez toutefois qu'il nous a semblé manquer quelques frottements d'ailes de cigales pour nous croire dans les garrigues marseillaises.
Durant notre promenade bucolique et notre fascination expectative, la question du "pourquoi, comment" est omniprésente. Nous nous sommes donc penchés sur le sujet et avons mené l'enquête. Qu'a-t-il bien pu se passer pour que ces Pinaceae* se soient comportés comme de vilains trolls dopés à la distorsion excessive ?
*Le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) est une espèce d'arbre de la famille des Pinaceae originaire d'Europe moyenne et septentrionale, d'Asie du Nord jusqu'en Sibérie orientale, ainsi que des montagnes du nord du Moyen-Orient. (source : wikipedia.org) |
|
À l'origine de ces bois torturés, l'homme.
C'est proche de Sanssac-l'Église dans le hameau du Zouave que tout commence. Cette pinatelle n'est autre que la résultante d'une époque révolue durant laquelle le bois était la principale source pour se chauffer, mais surtout pour alimenter les fours des boulangers environnants. Les pins sylvestres, appelés autrefois pins de boulange, ont l'air d'avoir poussé de manière anarchique, mais il n'en n'est rien. L'homme, toujours lui, est à l'origine de cette pousse aléatoire. Une taille qui lui permettait d'empêcher l'arbre d'atteindre ses 30 à 40 mètres standard et de recueillir le petit bois aisément pour en faire des fagots. Au rythme d'une fois par huitaine d'années, les arbres étaient coupés tels des bonzaïs géants. Cette technique aura perduré de 1800 à 1945 jusqu'à l'arrivée progressive du fuel domestique, du gaz et de l'électricité, nous dit l'histoire de cette Pinatelle du Zouave.
Dans les années cinquante, tout ou presque s'est arrêté. À ce jour, les troncs résistants ont atteint leur hauteur maximale, donnant aux arbres des allures de torchères** végétales. C'était par ailleurs un travail fastidieux du fait qu'un boulanger utilisait une centaine de fagots par semaine. Cela représentait aux alentours de trois jours de travail pour une personne. Sur le secteur ponot, on pouvait compter environ 150 boulangers qui nécessitaient un besoin quasi permanent en bois. Mais il n'y avait pas que ce métier qui consommait ces fagots de pin ; les potiers, les tuiliers et sûrement bien d'autres encore étaient insatiables de ce bois. |
|
Un fagot c'est avant tout un savoir-faire.
Fabriquer un fagot n'était pas aussi simple qu'on pourrait l'imaginer. En septembre, il fallait débiter les plus grosses branches en rondins d'1 à 1,30 mètre de long, séparer à la hache les rameaux, laisser l'ensemble sécher environ quatre jours puis aligner au sol les rondins aux plus petits diamètres. On ajoutait après, par-dessus, les morceaux de bois les plus gros. Ensuite, il fallait regrouper les fagots en bûcher par paquet de 25 à 50 ; plus de trois tonnes en finalité ; 100 fagots représentant 13 à 16 m3 de bois et enfin les laisser plusieurs mois sécher afin de les alléger de leurs substances liquides et ainsi diminuer la charge à transporter. Le transport était assuré par deux bœufs qui tractaient les fagots jusqu'à leur destinataire.
Cette pinatelle chargée d'histoire est un lieu idéal pour une sortie aérée en famille. Aucune difficulté d'accès, des espaces de repos sous les arbres sont aménagés et invitent à musarder et à découvrir la poésie du thème de l'arbre via plusieurs citations d'écrivains et autres célébrités. En poursuivant le chemin principal entre les pins, nous atteignons une plaine très agréablement équipée pour des pique-niques mémorables.
Un passé corrigé au présent.
Depuis 1996, propriété du Conseil Général de la Haute-Loire, une parcelle vierge a été replantée avec environ deux cents pins, pour permettre une sorte de mise à jour de cette méthodique taille ancestrale. Il ne sera pas rare non plus de rencontrer quelques brebis noires du Velay occupées à entretenir les lieux et ainsi éviter à l'herbe jalouse de se propager là où elle n'est pas la bienvenue. Une marre artificielle a également été conçue sur le site. Cette dernière, visitée régulièrement par des batraciens curieux, abrite une très grande biodiversité d'insectes et assure le bon sens dans un tel espace de vie. Les lieux bénéficient aussi d'un partenariat avec la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et permettent donc un refuge pour nos volatiles fragilisés par l'activité humaine. Nonobstant, nous pouvons conclure notre découverte altiligérienne par le fait que l'homme d'aujourd'hui essaye tant bien que mal de corriger les
erreurs de celui d'hier.
** Grand chandelier ; candélabre porté sur une tige ou une applique et dans lequel on mettait de gros flambeaux de cire. (source : www.cnrtl.fr) |
|
|
|
|
Envie de
nature
insolite?
La Pinatelle du Zouave
Les Adrets via RD590
43320 Polignac
45°03'37.6"N 3°49'14.0"E
45.060456, 3.820553
AUTRES ARTICLES À DÉCOUVRIR
ÉCOTOURISME
musée local
ÉCOTOURISME
eux vives et Kayak
ÉCOTOURISME
électricité embarquée
|