avril 2023
ARTISANAT
brasseurs de damoiselles
Il n’est de bonne Damoiselle sans de bons brasseurs
Aux confins de la Haute-Loire, à la sortie de Blesle, nous avons partagé un moment avec une drôle de Damoiselle.
À croire que tout est toujours le fruit d’une passion, notamment dans l’artisanat. La Haute-Loire est un pays connu pour ses nombreuses brasseries artisanales. Un territoire aux valeurs éclectiques et foisonnantes où s’entremêlent savoir-faire, prodigalité locale et émotion. Cet évident patrimoine nous a conduit jusqu'à la Brasserie de l’Alagnon où Thomas et Charlie nous ont appris comment ils arrangent leurs Damoiselles.
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Et au milieu coulent de bonnes bières
Brune, ambrée, blonde, à la Brasserie de l’Alagnon il y a de la bière pour tous les goûts, mais aussi quelques pépites créatives. Le bâtiment va subir à court terme quelques transformations, nous a-t-on dit, pour un meilleur confort de travail autour de la fermentation. Il comporte actuellement un accueil client dans lequel, à notre arrivée, les effluves caramélisés de l’orge répandent de déconcertantes fragrances de chocolat chaud très agréables. Dans une autre pièce parallèle à l’accueil, il y a les cuves et les secrets de fabrication.
Nous y apercevons d’ailleurs Charlie à l’œuvre et nous l’y rejoindrons plus tard. Plus loin, un hangar de stockage et un quai de chargement sont juxtaposés à l’ensemble. Thomas, mandaté par son associé Charlie pour être ce jour notre "guide touristique", après nous avoir proposé un café, nous présente derrière lui ce qui pourrait s’apparenter à une collection. Bien en rangs sur les étagères, une cohorte de bouteilles aux étiquettes graphiquement attrayantes en dit long sur le travail déjà accompli dans cette SCOP artisanale.
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Thomas a l’air de bien maîtriser son sujet et nous détaille comment une bonne fermentation est capitale dans la réussite du produit fini. Plusieurs fermentations sont nécessaires dans l’élaboration de la bière. La première doit s’effectuer autour de vingt degrés puis une fois celle-ci terminée, il faut descendre la température grâce à un ingénieux système de refroidissement par eau dans les doubles parois des cuves dédiées à cet effet. C’est bien pour cela que des travaux sont à prévoir dans le bâtiment, car les fluctuations météorologiques extérieures influent quelque peu sur le maintien à température des cuves.
Vous l’aurez déjà saisi, fabriquer une bière reste technique. Et Thomas nous fait profiter de ce qu’il connaît de cette brasserie artisanale et de son savoir-faire en la matière. Dans cette brasserie fondée en 2009 par Charlie "himself", après trois premières bières abouties, l’affaire prend un chemin plus exaltant et très vite l’équipe s’agrandit avec Thibault et Thomas. Des investissements sont alors faits pour améliorer la chaîne de l’embouteillage et de l’étiquetage, mais en revanche la méthode artisanale est préservée. Rien ne doit dévier Charlie et sa brasserie du "fait maison", surtout ne pas céder aux sirènes de l’industrialisation. Brassage à la main depuis et pour toujours, fermentation maîtrisée et contact direct avec les consommateurs représentent le cercle vertueux de l’équipe de brasseurs. |
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De la conception à la distribution, tout est pensé en mode circuit court. Altiligérienne avant tout, La Brasserie de l’Alagnon est située aux frontières avec le Puy-de-Dôme et le Cantal. C’est donc naturellement que les trois compères exportent leurs créations pétillantes dans les limites géographiques qu’ils se sont fixées, formées du deltoïde Clermont-Ferrand / Murat / Le Puy-en-Velay.
Côté ingrédients, comment ça se passe ?
1 500 litres d’eau1 sont nécessaires pour 1 000 litres de bière - à consommer avec modération, chers amateurs. Les céréales arrivent en deuxième position. La volonté de Charlie à ce sujet a été de créer, au lancement de la brasserie, des partenariats avec les agriculteurs-céréaliers locaux et ainsi cultiver les précieuses variétés d’orge brassicole sans lesquelles point de Damoiselle à l’étale. Il y a quatre ans une malterie artisanale s’est installée à quelques kilomètres après la démarcation d'avec la Haute-Loire, à Saint-Germain-Lembron plus précisément. Ce qui permet à nos brasseurs, dans une certaine mesure, de rester dans le localement acceptable, sachant qu’auparavant il fallait aller en Ardèche pour faire malter2 la céréale. Dans les grandes lignes, le maltage terminé, la céréale prend une certaine couleur et c’est de celle-ci que la bière sera blonde, brune, rousse ou ambrée. Le houblon arrive ensuite, mais sa quantité est très faiblement présente dans l’élaboration - 1,5 kg pour 1 000 litres de bière. Sa présence est utile principalement pour la conservation, l’amertume et dans une moindre proportion le goût.
Quand le houblon est absent, la bière perd son label et devient alors cervoise, ce qui n’est pas forcément un mauvais produit, mais n’est plus de la bière. D’ailleurs, la brasserie en propose de temps à autre. La levure, élément clé très fragile et ultrasensible, arrive en fin de parcours. En raison de ces spécificités et malgré l’emprunt au nom de la proche rivière pour la brasserie, il est difficile d’utiliser l’eau de l’Alagnon qui nécessiterait trop de traitements incertains.
C’est donc avec de l’eau de source en provenance du Cézalier que la levure sera employée au moment des différentes étapes de la fermentation. Et, parce qu’elle est ultrasensible, il faut être extrêmement prudent et ne pas la laisser être détruite ou altérée par d’autres levures très envahissantes, comme celles utilisées lors de la vinification. Thomas nous l’avoue, c’est elle qui fait le "gros du boulot". Les champignons unicellulaires vont alors se multiplier avec la chaleur, dégrader le sucre et l’amidon pour les métaboliser en CO2 et enfin générer à terme de jolies petites bulles afin que la Damoiselle se dévoile à nos papilles.
Où est Charlie ?
Il est dans la place.
C’est sur cette note optimiste que nous allons rejoindre Charlie qui brasse dans l’atelier de production. En chemin, nous croisons un vieux fourneau à bois, adapté pour chauffer une cuve d’eau située de l’autre côté du mur dans l’atelier. Ainsi, le principe écologique est à nouveau préservé. Cette eau est dirigée dans les cuves de brassage où Charlie s’affaire avec un fourquet en bois (une sorte de grande rame courbée) qui a l’air tout aussi authentique que sa fabrication paraît artisanale. La température de la pièce en cette saison est nettement plus agréable que la pièce d’accueil, nous comprenons d'autant mieux l’utilité des futurs travaux.
Avec son fourquet, Charlie brasse tour à tour, à la seule force de ses bras, chacune des cuves où les céréales infusent tranquillement dans l’eau chaude. À en voir les mouvements précis, techniques et amples que le brasseur déploie, nous ne doutons plus que l’épreuve soit physique. Pour autant, l’étymologie du verbe brasser ne vient pas des bras en question. Il vient du latin "braciare" utilisé pour définir le blé blanc ou encore le malt.
De plus, chaque fois qu’il ouvre l’une d’entre elles, d'épaisses volutes de vapeur s’échappent et l’enferment jusqu’à le faire disparaître comme par enchantement. Il y a en cet instant quelque chose de magique au royaume de la bière et nous nous réjouissons de ce tour de passe-passe qui va alimenter nos prises de vue. Le produit du brassage est filtré pour éviter que de petits appendices de céréales ne finissent embouteillés. Même si ce filtrage est artisanal dans sa conception, il demeure néanmoins efficace.
À travers son réfractomètre, Charlie contemple à la lumière le taux de sucre dans sa mixture. De loin, on pouvait presque croire avec le mouvement qu’il goûtait en cachette ce qui allait devenir une bière. Mais la vapeur d’eau chaude est traître et comme un mirage dans le désert, elle nous ferait croire n’importe quoi. Le geste de Charlie est technique et très important. Lié au fait que le sucre dans la préparation devra nourrir les levures, il va de soi que ce n’est pas encore l’heure de la dégustation.
Le processus complet étant assez long, nous ne pourrons pas voir ce qui se passe ensuite dans les cuves de fermentation. Alors nous laissons Charlie se muscler les bras et nous retournons en apprendre un peu plus sur la Damoiselle avant de quitter nos hôtes. |
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La Damoiselle pourquoi ?
Charlie s’est rendu compte que de jolies libellules, appartenant au sous-ordre des zygoptères3, se plaisaient beaucoup sur les rives préservées de l’Alagnon et qu’elles étaient faciles à observer. Sachant que l’autre nom de ces libellules est Demoiselle et en hommage à Ermangarde, femme de Bernard II Plantevelue4 comte de Poitiers, elle-même comtesse d'Auvergne qui fonda l'Abbaye des bénédictines de Blesle vers l'an 865, lui est alors venue l’idée d’y associer le nom de sa future bière ; Damoiselle. Dès cet instant, la signature qui sera déclinée sur les bouteilles était née, et se retrouve même, en sculpture sur le parking de la brasserie. Entre le lieu, la rivière, la passion de ces trois hommes et la qualité de la production, le design des étiquettes n’est que la continuité d’une maîtrise de leur savoir-faire. Une ribambelle de couleurs qui ne vous laissera pour seule échappatoire que l’envie de goûter au fruit de leur passion !
LÉGENDES
(sources wikipédia)
1 / Ajouter à cela l’eau utilisée pour le lavage des bouteilles. Pour un produit fini, 6 litres d’eau par bière sont utilisés en moyenne.
2/ Le maltage est un procédé contrôlé de germination d’une céréale. Le but est de développer un complexe enzymatique. Celui-ci permet la désagrégation de l’amande, la solubilisation des matières azotées et la saccharification de l’amidon.
3 / Le sous-ordre des zygoptères, regroupe des insectes de l'ordre des libellules souvent nommées des demoiselles. Il en existe plus de 3000 espèces dans plus de 300 genres dans le monde.
4 / Le surnom de Plantevelue, comme celui de Guifred le Velu, vient du latin princeps pilitus ou "prince fourré". Il s'agit d'une référence à la coutume des princes wisigoths de porter un couvre-chef de fourrure. |
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7 BONNES RAISONS DE REUTILISER LES BOUTEILLES EN VERRE.
Parce que la préservation de la nature est en filigrane dans l’esprit de cette équipe Blesloise, les sept bonnes raisons et bienfaits de la réutilisation du verre sont affichés derrière le comptoir. Espérant ainsi pousser le consommateur vers de bonnes résolutions et actions communes.
La bouteille réutilisée, en comparaison avec la bouteille à usager unique c'est :
• 4 fois moins d’énergie consommée
• 4 à 5 fois moins de gaz à effet de serre (CO2) émis dans l’atmosphère
• 7 fois moins de polluant (oxyde de soufre et d’azote) dans l’atmosphère
• Une économie d’eau de 33%
• Pour 1 000 litres de bière mis en bouteilles, c’est une économie de 400 kg de calcin,
182 kg de sable et 106 kg de calcaire
• Pour la collectivité, chaque tonne de verre réutilisée permet une économie de 70€ à 100€
de coût de collecte du verre
• De l’ordre de 4 fois plus d’emploi en réutilisant le verre plutôt qu’en le recyclant
Source Marie-Aude Siroy, 2013
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Nous remercions Thomas et Charlie pour leur accueil et cette belle découverte originale.
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Envie de pétiller
avec une vraie
Damoiselle?
Brasserie de l'Alagnon
rue de la Bonale
43450 Blesle
+33(0) 4 71 74 18 90
www.brasserie-alagnon.fr
45°19'09.5"N 3°09'49.8"E
45.319312, 3.163845
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