avril 2023
ÉCOTOURISME
Contes et légendes du Mezenc
Contes, légendes et histoires du Mézenc racontés sans compter
Si vous aimez les petites et grandes histoires, suivez Philippe pour découvrir autrement le plateau du Mézenc
La Haute-Loire regorge de contes et légendes, mais elle est tout autant un recueil d'histoires captivantes et pittoresques. Nous sommes allés à la rencontre de Philippe dit, "Le Conteur du Mézenc", pour une expérience inédite.
Promenons-nous autour de Chaudeyrolles et du célèbre mont local, pour y écouter notre conteur passionné, nous narrer ses histoires inédites.
Nous n'imaginions pas un tel gaillard en habit idoine. L'homme, devant sa porte, dégage de prime abord un charisme énigmatique. Très vite, son sens de l'hospitalité et sa sincérité prennent le pas sur notre étonnement. Ce barbu aux allures de "géant gaulois" sait vous tendre une main rassurante*, même en période de pandémie. C'est donc une fois dans sa demeure, près de Chaudeyrolles, établie dans une ancienne école et après des salutations au style sanitaire clownesque, que nous faisons plus ample connaissance avec Philippe. |
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Une passion locale exacerbée, quelle que soit la météo.
Si dans notre entourage, nous connaissons des personnes, somme toute atypiques, férues d'histoires, notre ami conteur, pour sa part, se passionne pour tout ce qui concerne la périphérie du Mont Mézenc dans le périmètre de : Lachamp-Raphaël, Saint-Martial, Borée, La Rochette, Saint Clément, Fays-sur-Lignon, Champclause, Saint-Front, Moudeyres, Les Estables, Freycenet-la-Cuche, Le Béage, Issarlès et Sainte-Eulalie. Qu'il s'agisse de contes, de légendes, de botanique, de géologie, de mythes, de faune et flore, du patrimoine ou encore du moyen-âge, l'homme prend un plaisir absolu à raconter, à qui veut bien l'écouter et le suivre, toutes les subtilités locales.
Pour cela, il suffit de se joindre à lui pour une randonnée placide et de se laisser guider par ses élocutions authentiques. Techniquement parlant, nous sommes loin des habituels guides touristiques et cela est rassurant. Bien que ces derniers aient une culture professionnalisée, ils peuvent parfois s'avérer un tantinet "barbants". Philippe, lui, vous accompagne et raconte ses histoires en rebondissant sur les interrogations des "escortés" du moment, ce qui amplifie l'effet d'authenticité de ses paroles. Quelle que soit la nature du climat, vous pourrez arpenter les alentours avec ce conteur hors du commun, selon vos préférences météorologiques ; rien ne l'arrête ou presque.
Parfois, la réputation de la burle altiligérienne** peut en calmer plus d'un. Et pourtant, notre "géant gaulois" ne se laisse pas impressionner et adore même, dans son habit caractéristique, prendre le contre-pied de cette inhospitalité et ainsi affronter les éléments. Il est donc simple pour chacun de se trouver un créneau temporel pour partir à la découverte des annales et spécificités de chaque village du Mézenc. En ce qui nous concerne chez Altilimag, nous avions choisi d’interviewer notre conteur chez lui, car le temps était exécrable et notre courage mis à mal, puis de revenir un jour plus chaleureux pour partir en exploration itinérante et profiter de la générosité verbale de notre historien.
La richesse de propos intarissables.
On ne se lasse pas d'écouter le Conteur du Mézenc. Toute notre discussion est prétexte à une nouvelle histoire, une nouvelle légende et bien d'autres chroniques autochtones. À commencer par la plus trépidante d'entre elles ; les "saigneurs" du Mézenc.
"Après la chute de l'Empire romain au VIIIe siècle s'ensuivent environ cinq cents années d'invasions de tout bord. Wisigoths et Ostrogoths n'avaient pour devise que tuer ou être tué. La barbarie était de mise en tout point. Au Xe siècle régnait alors par la terreur Étienne (vir nobilis de castro Mezengo),
premier des seigneurs, connu de cette époque occupant le site et propriétaire d'une quinzaine de châteaux dans les environs. Deux cents ans plus tard, implantée sur l'une des "dents du diable", une tour, aussi haute que celle de la forteresse de Polignac, dominait le paysage et ne laissait aucune chance à d'éventuels assaillants. D'autant qu'en contrebas, cachés derrière le château étaient rassemblés les gens du village celte, servant de rempart humain, mais surtout prêts à en découdre avec l'ennemi.
Ces seigneurs du Mézenc formaient une lignée de guerriers farouches, incontrôlables et fidèles aux leurs. Les rois et empereurs d'Europe, informés de leur goût sanguinaire durant la première croisade, eurent de concert le besoin irrépressible de les éradiquer. Mais leurs forces, courages et ténacités au combat les ayant effrayés, ce ne sera qu'à partir des années mille deux cent, par la nature elle-même, que la région fut enfin débarrassée de ces "fous de guerres".
En effet, une génération unique de filles et donc pas de descendance masculine pour ce funeste règne permettra aux plus hautes autorités de l'époque de faire main basse sur les richesses de ces seigneurs sanguinaires et de leur ôter toute possibilité de nuire, mais surtout, de leur nuire."
Voici une partie de l'histoire racontée par Philippe. Nous ne vous en dévoilerons guère plus. Il est préférable de vous inviter auprès de notre conteur pour en apprécier toute la saveur. D'autant que cette bribe historique sera inéluctablement agrémentée de-ci de-là par de petites anecdotes alléchantes. |
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| Proposition de restitution du château des seigneurs du Mézenc. Auteurs : Véronique Bardel / Pierre-Yves Laffont - Archéologues |
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Entre botanique, marmottes et ruines.
Si Philippe est capable de vous transporter dans les ruines d'un passé, ignoré de la grande Histoire de France, il peut, de même, vous parler de la botanique locale et de ses atouts inexplorés. Nous vous avions parlé, dans notre numéro six, de la cistre ; cette plante qui caractérise, parmi d'autres, les contreforts de la frontière avec l'Ardèche. Saviez-vous que chez nos voisines les Alpes et les Pyrénées, est encore conçu le vin de cistre, selon une recette traditionnelle ancestrale ? Et bien durant les balades accompagnées du narrateur, vous pourrez peut-être goûter quelques liqueurs insolites contenues dans les fioles suspendues à sa taille. Peu avare par nature, ce gentil homme vous léguera volontiers les recettes de ses mixtures, pour peu que vous ayez pris goût à ces décoctions parfumées à la flore savoureuse.
Philippe n’oubliera certainement pas de vous parler des marmottes, ces gentilles bestioles que beaucoup croient originaires du Mézenc. Et bien que nenni ! La faune locale n'a pas vraiment de secrets pour notre guide. Il vous racontera tout aussi bien la vie de l'oiseau caché dans les arbres vous sifflotant son meilleur chant, du renard chasseur et malheureusement chassé, de l'hermine furtivement dissimulée dans la neige ou encore du milan royal surveillant d'un œil expert et du meilleur point de vue local, les rats des champs fuyant les faucheuses. Une vraie mine d'or que sont ses connaissances. Détruit et pillé, malheureusement il ne reste presque rien du château que nous a fait découvrir Philippe, exceptées quelques microruines. Mais il en connaît le moindre recoin et il saura vous affranchir des reliquats altiligériens de cette époque ardente, avec un plaisir tangible.
Découverte d'autrefois au conte d'aujourd'hui.
L'écrivain félibre*** du Velay, Albert Boudon-Lashermes**** féru d’histoire et de généalogie, né en 1882 et décédé en 1967, serait à l'origine de cette découverte archéologique. Les versions des histoires locales varient à travers les âges. Nous savons bien que d'un village à l'autre, chaque version d'une histoire ou d'une légende peut prendre une tournure diamétralement opposée. Remercions aujourd'hui ces personnes d'autrefois, qui avec leur passion auront mis au grand jour les petites et les grandes histoires de l'ancien Vivarais à l'actuel. Et à moins d'être de pointilleux historiens à la recherche de franches véracités, ne boudons pas le plaisir d'écouter des récits palpitants, joyeux, terrifiants, poétiques voire même allégoriques, le tout en déambulant dans des paysages au magma refroidit, somptueusement prestigieux. Philippe nous racontera encore plusieurs autres histoires toutes aussi incroyables les unes que les autres. Encore une fois, mieux vaut l'entendre de vos propres oreilles c'est tellement bien conté ! |
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Une sortie surplombante.
Nous voici revenus, une semaine plus tard, pour vivre en "live" l'esprit de conteur de notre ami Philippe. Quel bonheur de le voir dans son accoutrement fait maison pour la plus grande partie. Nous pouvons attribuer à notre homme la "casquette" d'artisan, du fait qu'il fabrique lui-même ses bijoux exclusivement avec des pierres du plateau, pierre de lave, labradorite, péridot, grenat et, c’est encore une autre histoire, avec des saphirs de l’ambre et des perles. L'ensemble des pièces constituant son costume fait aussi partie de son savoir-faire. Nous partons avec lui rejoindre le site appelé "Dents du diable", surplombant les narces***** de Chaudeyrolles et la cascade du Salin. Ce site serait à l'origine de la plus ancienne légende du Mont Mézenc. Cette formation géologique ésotérique de trois rochers est un lieu mythique. Ba'al (Satan) aurait planté ses crocs à cet endroit. Il y laissa trois dents ; la "grosse roche" reconnaissable à sa forme arrondie, la "dent pointue" sur laquelle est pratiquée l'escalade et la "Chastelas" celle sur laquelle fût érigé le fameux château dont nous vous parlions précédemment. Nous suivons les pas de notre ami géant, dans la neige encore fraîche de la semaine, sur un sentier étroit, mais accessible, contournant par l'arrière ladite "dent pointue", pour nous diriger vers ce qui "reste" des traces seigneuriales. En chemin, sous les maigres rayons chauffants du soleil de décembre, nous faisons quelques pauses régulières. Le temps pour nous d'apprendre qu'une certaine usnée barbue, lichen appelé parfois barbe de Saint-Antoine ou barbe de Jupiter, pendant abondamment dans les arbres autour de nous, était autrefois récolté pour ses vertus thérapeutiques contre la tuberculose, que les champignons sur les souches d'arbres étaient, eux récupérés pour servir d'allume-feu. Le temps aussi de croquer une baie de genévrier et de découvrir toute la puissance de son parfum éclatant dans notre bouche. |
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| Arrivés à cette dent de Chastelas, nous peinons à imaginer qu'à un tel endroit, si stratégique soit-il, ait pu être construite une tour, d’une trentaine de mètres, sur un piton rocheux aussi étroit. Mais nous savons bien qu'en ces temps jadis, la main-d’œuvre était bon marché et que les seigneurs, surtout les plus sanguinaires, n'avaient que faire de régenter par l'asservissement ainsi que des incidences impopulaires engendrées, donnant ainsi à leur pire délire, la possibilité de prendre forme. |
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De cet endroit lesté de peur et de sang, il ne reste que la splendide vue plongeante sur Chaudeyrolles ainsi que ce que Philippe vous racontera alors de ces lieux tempétueux aux fragrances altiligériennes pures. Comme, l'histoire de Jules VINCENT ancien instituteur de Chaudeyrolles en 1913, au parcours militaire chargé, héros presque oublié de la Première Guerre mondiale. Ou encore parmi bien d'autres, celle de la disparition totale de cinq gendarmes, un soir de Noël, dans une ferme avoisinante...
Nous vous le disions, le Conteur du Mézenc est intarissable pour notre plus grande joie bien entendu. Cette expérience que nous revivrons probablement par gourmandise aura été une aventure fabuleuse en deux temps. Un géant au cœur d'or ne se rencontre pas tous les jours. Qui plus est si ce dernier est homme à partager son bout de Haute-Loire avec vous. Une notion de partage pour laquelle la générosité est de mise. Le Conteur du Mézenc ne vous demandera rien pour ses histoires et son accompagnement sur les chemins du Vivarais, mais il va de soi que vos dons lui permettront d'approfondir ses recherches pour apporter encore plus de saveur aux chroniques qu'il distille. Des instants magiques à consommer sans modération, sauf peut-être si votre mémoire ne peut emmagasiner un tel déploiement fécond. |
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LEGENDES
* / Nous avons néanmoins respecté les gestes barrières...
** / La burle est un vent d'hiver, qui souffle habituellement dans des régions déjà froides. La température ressentie qui en découle est souvent particulièrement basse, et crée une ambiance glaciale. Lorsque la région est enneigée, la burle peut être responsable de la formation de congères. (Source wikipédia)
*** / Félibre est un poète ou un prosateur. Issu de féligibre, une école littéraire constituée en Provence, au milieu du XIXe, pour le maintien et l'épuration de la langue provençale et des autres dialectes occitans, et pour la renaissance d'une littérature du midi de la France. (Source Larousse)
**** / Albert Boudon-Lashermes, ou ABL, ou aussi Albert Boudon, né au Puy le 28 février 1882, mort le 12 juillet 1967 à Brives-Charensac, est un auteur régionaliste, érudit, généalogiste, de langue française, à l’œuvre pléthorique, Il domine la vie culturelle du Puy-en-Velay pendant la grande première moitié du XXe siècle. (Source wikipédia)
***** / Les narces de Chaudeyrolles sont les vestiges d'une activité volcanique intense. En parcourant ce milieu marécageux humide, vous êtes au cœur d'un volcan de type Maar dont le cratère mesurait environ 1 500 m de diamètre. Maar signifie qu'un cratère s'est formé par des explosions volcaniques dont la puissance est augmentée par la rencontre du magma visqueux remontant des entrailles de la terre avec de l'eau. Parfois ces formations se transforment en un lac. Ce qui est le cas de celui de Saint Front, de Saint Martial ou d'Issarlès en Ardèche par exemple. |
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