avril 2023
ÉCOTOURISME
sur les pas du volcanisme
Entre héritage culturel éruptif et rencontre insolite
Parfois les chemins empruntés amènent à de surprenantes découvertes.
Notre ami Philippe, Conteur du Mézenc, nous avait appris lors de notre précédente rencontre (voir Altilimag 8 ou article ici) que le fils d’Haroun Tazieff vivait à Chaudeyrolles. Cette nouvelle est explosive dans nos têtes et nous renvoie immédiatement à nos références enfantines, du temps où devant nos camarades de classe élémentaire, nous exposions sur d’épais formats raisins notre travail de recherche à propos des volcans.
"Ni une ni deux", nous prenons contact avec Frédéric Lavachery. Oui il ne porte pas le même nom que son père parce que comme beaucoup d’entre nous, le parcours de la vie est ainsi fait et jalonné de particularismes culturels. Ceci ne devrait gêner en rien l’intérêt que nous portons à cette rencontre puisque déjà nous ressentons les prémices d’une fabuleuse et passionnante histoire.
C’est caché dans la montagne chaudeyrollaise que nous retrouvons l’héritier de sang du célèbre volcanologue. Attablés dans son humble demeure devant l’âtre crépitant et un bon café chaud, nous nous préparons à un récit hors du commun. Frédéric commence par nous dévoiler les coulisses de ses romanesques origines. Entre celles d’un père biologique de renom et son évolution personnelle, nous ne pouvons pas nous attarder sur le sujet, il nous faudrait trois cents pages de plus.
Et puis c’est tout de même un peu de l’ordre de la vie privée. En revanche ce qu’il nous décrit comme étant son incontournable quête est des plus passionnant. Les recherches qu’il a effectuées l’ont peu à peu mené à prendre conscience de l’importance de conserver le lien social du genre humain pour la préservation de l’esthétique culturelle. Il décide en 2005, à la demande d’une association, de "faire du Tazieff" comme il nous dit.
Il propose alors d’animer des événements sur le thème de la volcanologie pour les autochtones, du Chambon à Chaudeyrolles. Secondé par la volcanologue Rose Marie Chevrier membre de l’équipe Tazieff et documenté par la veuve de son père biologique, France Tazieff, Frédéric Lavachery organise ainsi des randonnées guidées, des conférences, des expositions filmées et bien d’autres animations encore.
À cette époque, Frédéric n’était pas aguerri en la matière. Il en savait un peu mieux que certains voilà tout. C’est à partir de ce moment-là que lui est venue l’envie de parfaire ses connaissances sur les sujets des volcans et celui de son père. À sa manière et presque comme celle de ce dernier, Frédéric fait émerger alors, hors des constitutions habituelles, ses propres méthodes d’investigation et d’analyse.
C’est là que l’aventure prend son envol.
De 2005 à 2021, des années de recherches, d’analyses, d’hypothèses, de controverses, de découvertes ne feront pas de notre homme un scientifique authentifié. Mais pour autant, il en possède pleinement les qualités. Humblement, en 2014, Frédéric écrit et signe la biographie de son père. Lors de cette étude approfondie à son propos, il découvre par la pratique de terrain l’importance de la culture humaine, de ses origines jusqu’au rayonnement sur notre territoire à ce jour. C’est bien de cela qu’il s’agit dans le fond des propos de Frédéric. Autour de l’hypothétique évidence que nos ancêtres préhistoriques ne peuvent avoir échappés au spectacle de la nature et notamment aux terrifiantes éruptions volcaniques locales, notre modeste guide volcano-historien nous déploie ses fascinantes théories. |
De la grotte Chauvet au Mont Mézenc en passant par les monts d’Ardèche.
Manque de chance pour nous le jour de l’interview de Frédéric, le temps maussade de ce mois de mai aura eu raison de notre volonté d’aller explorer la moindre piste tellurique locale. Nous avons donc écouté les différents axes de réflexion de Frédéric avec attention. N’ayant que de lointains souvenirs de nos exposés d’écolier; ce n’est pas évident de tout retenir, la quantité d’information étant gargantuesque. Mais la puissance volcanique qui a forgé, sur plusieurs millions d’années, les décors de l’Ardèche méridionale au Cantal avec en son centre notre Haute-Loire, est telle qu’il est possible encore aujourd’hui de la ressentir si l’on vous montre comment la contempler.
Alors qu’en est-il de l’espèce humaine au travers de ces dizaines ou centaines de milliers d’années, qu’a-t-elle pu observer, qu’a-t-elle pu relater dans les fresques de la grotte Chauvet ? Les œuvres inscrites sur ses parois sont elles destinées à honorer les esprits ou plus simplement à signaler la présence humaine ou préviennent-elles de dangers pour l’homme ? Est-il possible que les habitants ayant dessiné ce premier grand livre de l’humanité aient pu ne pas être fascinés par les éruptions volcaniques qui jalonnaient épisodiquement la ligne des crêtes d’Aubenas au Mézenc ? Est-ce que le Néandertalien s’est approché d’un volcan en éruption ?
Si oui quelles conclusions aura-t-il extraites de cette expérience ? Inéluctablement dans tout groupe du genre humain, il y a 10% de la population porteuse de ce que les généticiens appellent le gène du comportement à risque, ceux-là même qui iront au devant du danger quel qu’il soit pour en rapporter au groupe l’information. L’évidence pour Frédéric est que dès l’apparition de l’humanité, dès que celle-ci eut réglé son mode d’adaptation à son milieu de vie par le langage articulé, il y a environ deux millions d’années, il devint impossible qu’elle n’en ait laissé aucune trace. Reliant toutes ses informations et interrogations, par une recherche scientifique ardente et pertinente entre plusieurs territoires liés fondamentalement par le volcanisme, Frédéric Lavachery développe ses hypothèses décriées mais pas infirmées par la communauté scientifique. Et jusqu’à preuve du contraire, nous ne pouvons que constater que les propos de l’érudit s’inscrivent pleinement dans le champ du plausible.
Les mots étant très peu imagés pour les néophytes que nous sommes, nous prenons alors avec l’accord de
Frédéric l’option de participer à une randonnée explicative et plus picturale. |
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Nous avons tous besoin d'une pause c'est évident !
Mais ce n'est pas encore l'heure du pique-nique ! |
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De l’autre côté de la Croix de Boutières
Sur le site www.hermes-evenements.fr vous sont proposées des randonnées guidées avec Frédéric Lavachery. C’est à l’une d’entre elles que nous nous sommes rendus. Nous rejoignons un groupe d’une vingtaine de participants sur le parking du Col de La Croix de Boutières à quelques petits kilomètres des Estables. Une fois n’est pas coutume, nous allons sortir un peu du département pour visiter notre voisin ardéchois. Ne nous en voulez pas, cela était nécessaire pour mieux comprendre l’essence même des hypothèses avancées par Frédéric. Suivant notre guide autour du splendide Cirque des Boutières, entre végétation printanière émergente, puisqu’il fait encore trop frais à cet instant pour parler d’été, et diversité curieuse et exceptionnelle de ce côté de la ligne de partage des eaux1, nous faisons quelques haltes descriptives essentielles.
Ainsi nous découvrons certains volcans des monts d’Ardèche sculptés par leur pire ennemi, la foudre. Cette dernière, capable de développer une force si intense et incommensurable est la première responsable de l’érosion de nombreux sommets ayant défini les contours de cet extraordinaire paysage, bien avant l’eau, le vent et la glace qui profiteront à posteriori des fractures causées par le feu du ciel. Comme dans un observatoire, Frédéric nous détaille alors les différences géologiques et telluriques d’un paysage très mouvementé en y insérant ses méthodes de réflexion et ce qui l’a poussé à établir ses idéologies sur l’art culturel de l’humanité liées à ces intenses bouleversements.
Totalement convaincus par les propos de Frédéric et devant l’évidence qui l’anime, nous absorbons son histoire avec concentration et une fascination sans faille. Cette randonnée est à la fois splendide et instructive, elle pose avec clarté toutes les images sur les mots de nos interrogations. |
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La faune nous salue bien.
C’est après avoir bu le savoir de notre guide et intégré les données techniques de ce dernier que notre randonnée prend une tournure inattendue. Nous nous dirigeons vers le lieu de rendez-vous de la pause pique-nique en remontant au cœur du Cirque des Boutières par la route départementale 400. En chemin, du haut d’un petit piton rocheux, trois marmottes nous toisent de leur air suspicieux. On dit qu’elles ne sifflent pas mais les sons qu’elles se projettent en guise d’alerte à notre passage y ressemblent fortement. Quelle joie de pouvoir les observer communiquer et ainsi sonner la retraite.
Quand bien même nous ne leur voudrions aucun mal, elles doivent instinctivement penser qu’il est préférable de se protéger de nous. Sur le flanc opposé du cirque, d’autres sciuridés2 se joignent au débat strident offrant ainsi un vibrato quasi ininterrompu de sifflets. Nous nous posons sur place comme au centre de la fosse d’un stade en plein concert lyrique pour en profiter quelques instants.
L’aventure se poursuit le long de la route qui remonte au parking du col d’où nous avons démarré la randonnée. Les imposants rochers volcaniques nous surplombent effaçant de notre champ de vision la moindre empreinte contemporaine. Facile à ce moment de croire que, comme dans la bande dessinée de Rahan3, les mammouths n’allaient pas tarder à débarquer. Une fois au col, dans un champ, le postérieur posé dans l’herbe fleurie face au spectacle grandiose qu’offrent les monts d’Ardèche et juste derrière nous celui du Mézenc, nous déballons notre pique-nique et profitons le plus lentement possible de l’instant présent. C’est ainsi que pour nous reporters d’Altilimag, devoir oblige, nous concluons notre conquête scientifique en dehors du temps en laissant au savoir du spécialiste Frédéric Lavachery le groupe de randonneurs qui va continuer sans nous. Mais ce sera avec le plus grand plaisir que nous participerons à une autre expédition avec Frédéric. Pour l’heure, nous vous conseillons vivement de découvrir cet homme de science, à la verve bien huilée et riche en proses scientifiques. |
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LEGENDES
1 / La ligne de partage des eaux est une limite géographique qui divise hydrographiquement un territoire en plusieurs bassins versants. Plus précisément, de chaque côté de cette ligne, les eaux de pluie s’écoulent in fine vers des exutoires différents (source wikipedia). En ce qui nous concerne ici l’eau côté Ardèche s’enfuit vers la Méditerranée ou file vers l’Atlantique. Il y a des lieux d’Ardèche où elle glisse vers Saint-Nazaire par la Loire et des coins de Haute-Loire où elle s’écoule vers la Méditerranée, comme par exemple la Rimande qui prend sa source à Chaudeyrolles.
2 / Les Sciuridés (Sciuridae) forment une famille de rongeurs qui comprend les écureuils, les tamias, les marmottes, les chiens de prairies et les spermophiles. Cette famille comprend 278 espèces (source vikidia.org).
3 / Rahan, fils des âges farouches, est une bande dessinée française scénarisée par Roger Lécureux et illustrée par André Chéret. Elle apparaît pour la première fois le 24 février 1969 dans le journal Pif Gadget (source wikipedia). 194 épisodes feront la renommée de l’homme préhistorique aux cheveux de feu.
Nous remercions Frédéric pour le temps qu'il nous a accordé
et pour la passionnante aventure qu'il nous a fait vivre.
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Envie de
rencontre
volcanique?
Frédéric Lavachery
frederic.lavachery@wanadoo.fr
Randonnées guidées
Parking de la Croix de Boutières
Cirque des Boutières
43430 Les Estables
www.hermes-evenements.fr
44°53'58.5"N 4°11'06.7"E
44.899585, 4.185198
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