avec un paysage somptueux, nous apprenons de l'éleveur, que des textes du XVIIIe siècle ont été retrouvés, expliquant le fait que, depuis le moyen-âge, les bovins du pays étaient engraissés avec ce foin si particulier. Depuis lors, la production avait fortement diminué, mais pas totalement disparu. De 1994 à 1996 les élus locaux concernés, une vingtaine d'éleveurs et les amis du Mézenc, au travers de leurs associations, ont mis à jour les propriétés identitaires de cette production et ont lancé les opérations pour redéfinir l'appellation Fin Gras du Mézenc. Représentant dans son ensemble cette zone géographique, ils ont réussi à obtenir l'AOP Fin Gras du Mézenc et ainsi ouvrir à nouveau les portes d'un patrimoine culturel enfin retrouvé. L'identité et la singularité du Mézenc renaissent alors grâce à la connaissance des sols, du vent, des pluies et de tout cet écosystème que nous découvrons avec Bernard, aujourd'hui Président de l'association. À notre arrivée, les charmantes fauves aux yeux de biche sonnent de leur cloche le rassemblement. Le maître est dans le pré, il va y avoir du mouvement, le concert de meuglements en atteste. Après une brève présentation de ses belles des prés, nous aidons Bernard à faire traverser ses bêtes, pour atteindre l'autre côté de la route. Entre veaux et mères attentives, au milieu de ces mammifères curieux par nature, nous essayions de prendre quelques clichés insolites. Une certaine Jonquille s'approche pour nous saluer. Nous tentons une caresse, mais d'un bon coup de corne amical dans le poignet, celle-ci nous fait comprendre que c'est elle qui décide du contact et non le contraire. Les dérangeant certainement dans leurs habitudes, ces dames prennent tout leur temps. Après cinq bonnes minutes, une fois toutes les copines du jour dans l'autre pré et la timidité du dernier veau vaincue, Bernard nous explique de quoi sont constituées les prairies qui nous encerclent. C'est parce qu'une immense variété de plus de trois cent vingt fleurs et plantes cohabitent et composent l'herbage de ces flancs montagneux que le foin récolté est si spécial. Face à l'attraction macrosismique du Rocher Tourte et dos au Mézenc qui nous toise de ses 1 753 mètres, nous observons les vaches s'enfuir sur leur terrain de jeu volcanique, verdoyant et parsemé de cistre au parfum floral enivrant. Pas de pesticide ni d'engrais chimique, un microcosme pertinent et pr&

avril 2023

DÉCOUVERTES
éleveur de fin gras

Le bonheur et le Fin Gras du Mézenc sont dans le pré

Au sommet d'une passion, l'homme sublime une botanique revalorisée.

Bernard Bonnefoy nous fait vivre sa passion qui n'a d'égale que le bonheur qu'elle déploie pour nos papilles. Ce montagnard, enfant du pays du Mézenc, nous livre quelques secrets à propos du célèbre Fin Gras du même nom. Certains connaissent à minima cette succulente viande bovine portant fièrement l'AOP. Peut-être l'ont-ils goûté dans l'assiette de l'une des nombreuses bonnes tables altiligériennes. Mais concrètement, savent-ils ce qui gravite autour de cette Appellation d'Origine Protégée ?
 
Nous avons voulu en savoir plus. Alors, qui mieux que l'homme au cœur de l'association Fin Gras du Mézenc, pour nous raconter les particularités de cette montagne et leurs impacts sur les bovins ? Avec ses explications, nous pourrons découvrir ce qui fait le merveilleux goût des bœufs élevés dans ces pâturages altiligériens et ardéchois.
 
Pour commencer, nous grimpons à bord du véhicule de Bernard afin de rendre une petite visite à ses vaches allaitantes de race Aubrac perchées à environ 1 400 mètres d'altitude, sur le flanc sud-ouest du petit village des Estables. Durant ce petit trajet qui, d'emblée, nous en met plein la vue avec un paysage somptueux, nous apprenons de l'éleveur, que des textes du XVIIIe siècle ont été retrouvés, expliquant le fait que, depuis le moyen-âge, les bovins du pays étaient engraissés avec ce foin si particulier.
Depuis lors, la production avait fortement diminué, mais pas totalement disparu. De 1994 à 1996 les élus locaux concernés, une vingtaine d'éleveurs et les amis du Mézenc, au travers de leurs associations, ont mis à jour les propriétés identitaires de cette production et ont lancé les opérations pour redéfinir l'appellation Fin Gras du Mézenc. Représentant dans son ensemble cette zone géographique, ils ont réussi à obtenir l'AOP  Fin Gras du Mézenc et ainsi ouvrir à nouveau les portes d'un patrimoine culturel enfin retrouvé. L'identité et la singularité du Mézenc renaissent alors grâce à la connaissance des sols, du vent, des pluies et de tout cet écosystème que nous découvrons avec Bernard, aujourd'hui Président de l'association.
 
À notre arrivée, les charmantes fauves aux yeux de biche sonnent de leur cloche le rassemblement. Le maître est dans le pré, il va y avoir du mouvement, le concert de meuglements en atteste. Après une brève présentation de ses belles des prés, nous aidons Bernard à faire traverser ses bêtes, pour atteindre l'autre côté de la route. Entre veaux et mères attentives, au milieu de ces mammifères curieux par nature, nous essayions de prendre quelques clichés insolites. Une certaine Jonquille s'approche pour nous saluer. Nous tentons une caresse, mais d'un bon coup de corne amical dans le poignet, celle-ci nous fait comprendre que c'est elle qui décide du contact et non le contraire.
Les dérangeant certainement dans leurs habitudes, ces dames prennent tout leur temps. Après cinq bonnes minutes, une fois toutes les copines du jour dans l'autre pré et la timidité du dernier veau vaincue, Bernard nous explique de quoi sont constituées les prairies qui nous encerclent.
C'est parce qu'une immense variété de plus de trois cent vingt fleurs et plantes cohabitent et composent l'herbage de ces flancs montagneux que le foin récolté est si spécial. Face à l'attraction macrosismique du Rocher Tourte et dos au Mézenc qui nous toise de ses 1 753 mètres, nous observons les vaches s'enfuir sur leur terrain de jeu volcanique, verdoyant et parsemé de cistre au parfum floral enivrant. Pas de pesticide ni d'engrais chimique, un microcosme pertinent et préservé, une intervention humaine faible, les prairies de fauche sont fauchées au moins une fois par an, mais seule la première coupe est utilisée pour l’alimentation des animaux. Le foin est séché sur pré et stocké dans des conditions lui permettant d’être identifié des autres foins et les pâtures sont pâturées chaque année. Cet ensemble, reflétant le cahier des charges associé à un cheptel contrôlé, font de ces espaces l'exemple parfait de la richesse d'un sol adapté à une agriculture saine. Les bovins eux-mêmes sont les principaux acteurs de la pérennité de cet environnement. Ces semoirs ambulants, autonomes, ne consommant pas de gazole, mangent l'herbe, dispersent les graines en se promenant et rejettent tout le meilleur pour que l'écosystème perdure. Une vraie machine naturelle à faire du bon foin, nous dit Bernard !
 

Si piquante et si délicieuse à la fois.

Entre ces quelques précisions, Bernard cueille la fleur d'un chardon-Marie. Son couteau suisse qu'on croirait sorti d'usine tant son efficacité n'est plus à prouver dans une main et dans l'autre une mini pince ultra adaptée pour cette épineuse manœuvre. À l'aide de ses deux outils "agricoles", il l'épluche jusqu'à atteindre le cœur pour nous le faire goûter. À notre grand étonnement, cette expérience fut délicieuse, douce et sucrée. Nous étions loin d'imaginer qu'une telle plante, certes aux jolies fleurs, mais épineuse et piquante, recèlerait dans son nombril une telle saveur cachée.
 
 

Un écosystème complexe à entretenir
d'une gestion quasi permanente.

Si ces chardons sont trop nombreux, Bernard en supprime manuellement quelques-uns. Mais la nature n'aimant pas le vide, afin qu'ils ne soient pas potentiellement remplacés par une variété naturelle moins intéressante pour le maintien de cette biodiversité, il en conserve cependant quelques pieds. Cette richesse végétale, qui pousse très vite, donne un foin assez court et gourmand, récolté début juillet. Le nourrissage des bœufs avec ce foin, combiné à la chaleur des étables qui évite aux animaux d'avoir à se dépenser pour se réchauffer, engraisse ces derniers pendant leur croissance. À ce stade, nous tenons peut-être le secret du Fin Gras du Mézenc, mais rien n'est moins sûr.

Les fleurs, les graminées, le vent, le biotope, l'eau de source, la pluie, la terre volcanique, la zone géographique et un cahier des charges spécifique sont autant de vecteurs indispensables pour la protection du Fin Gras du Mézenc.
 

Une carte postale paradisiaque.

Nous nous déplaçons vers un autre lieu pour, cette fois, aller à la rencontre des bœufs de Bernard. Une vraie carte postale ! Voilà ce que nous regardons avec nos yeux ébahis. Le mont Alambre face à nous, des collines vertes, des forêts éparses, des animaux pas très stressés, voire paisibles, un ciel bleu immaculé et une petite brise rafraîchissante nous font dire que le paradis est très certainement ici.
La pénibilité d'un travail qui demande beaucoup d'énergie à nos yeux perd alors un peu de son sens et Bernard nous assure que le fait d'être passionné par ce qu'il fait ne lui en donne pas l'impression. Debout à six heures du matin et couché à vingt-deux heures, cela fait de longues journées actives. Mais dans ce laps de temps, c'est lorsqu'il est contraint de faire sa "paperasse" durant deux heures qu'il n'a plus aucun doute ; il sait bien qu'il travaille.

Devant le champ où se côtoient quelques chevaux de trait Comtois et les bœufs de Bernard, nous cheminons sur le sentier. Notre éleveur plus que passionné nous fait découvrir d'un peu plus près quelques graminées et autres fleurs courantes, en parfaite symbiose et maîtresses de ces lieux. Nous goûtons une graine de cistre, le fenouil des Alpes, et c'est une explosion de saveur d'anis et de réglisse en bouche qui se produit. Cette plante si aromatique n'est fauchée que sur les pentes douces du mont Mézenc. Dans d'autres régions comme les Alpes, du fait de la très haute altitude à laquelle pousse cette plante, elle n'est pas ramassée. Ce qui fait du Mézenc, un des rares endroits où le fauchage a lieu jusqu'à 1 500 m et permet l'ingestion de la plante par les animaux. On comprend mieux pourquoi la viande est si délicate.
...

"Cette viande est si bonne pour la santé qu'on devrait pouvoir se l'acheter avec la carte vitale"

La petite phrase au grand sens, de Bernard
...
 
 

Remettre nos sens en éveil, un vrai bonheur.

Au passage, nous testons le chénopode bon Henri dit l'épinard sauvage, nous observons la grande berce de Sibérie, certains la nomment fleur de carotte, l'armoise annuelle aussi appelée absinthe, le cerfeuil musqué aux odeurs d'anis, la paronyque à feuilles de renouée plus habituelle sur les flancs ardéchois du Mézenc, l'achillée millefeuille connue pour ses vertus médicinales, la petite alchemille appelée le manteau des dames pour ses bienfaits sur les femmes ou encore la centaurée noire avec sa touffe violette chatoyante. La liste est bien longue pour toutes les citer, mais Bernard est intarissable, il les reconnaît d'un simple coup d’œil et c'est un plaisir d'entendre chacune de ses descriptions. Sur le chemin qui longe ses terres, les variétés florales foisonnent au point d'offrir à notre Président du Mézenc, de quoi nous émerveiller encore et encore, et nous donner l'envie de galoper dans les champs, pieds nus, en bermuda, comme autrefois quand nous avions dix ans. Rappelez-vous quand vous faisiez des bouquets champêtres pour vos mères et grand-mères !

En plus d'être un éleveur engagé, Bernard possède des qualités non dissimulées de botaniste aguerri et aura su aiguiser nos cinq sens. Sentir les prairies du Mézenc, voir la biodiversité locale, écouter la passion d'un éleveur, toucher les herbes et goûter la flore sauvage aura été une des expériences les plus enrichissantes pour notre enthousiasme altiligérien.
Nous finissons notre exploration avec la visite chez Monsieur Étienne Exbrayat, l'un des fondateurs de l'association "Fin Gras du Mézenc", qui a œuvré pour défendre l'AOP du Fin Gras du Mézenc. Malheureusement, l'entretien fut bref, car dans le respect des us et coutumes de nos anciens, nous avons préféré le laisser terminer tranquillement son déjeuner que nous avions malencontreusement interrompu. Nous reviendrons à sa rencontre plus tard et ainsi nous pourrons faire un portrait d'un homme engagé pour sa région et qui s’avérera certainement être le "Wikipédia" de ces montagnes.

Partis à la recherche des secrets du Fin Gras du Mézenc, nous rentrons avec des images et des informations sérieuses plein notre escarcelle. Pour autant, nous ne sommes pas dupes et savons indéniablement qu'il y a encore énormément de choses à découvrir pour devenir aussi intimes que les autochtones avec leur AOP.
Pour cette acclimatation et pour nous avoir dévoilé sa passion pour le Fin Gras du Mézenc, nous adressons un grand merci à Bernard.
 

Envie de
Fin Gras du
Mézenc?

Maison du Fin Gras
Le Bourg
43430 Chaudeyrolles


+33(0) 4 71 56 17 67

www.aoc-fin-gras-du-mezenc.com

44°57'02.2"N 4°12'10.2"E
44.950611, 4.202833

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