document ancien répertoriant l’ensemble du mobilier du château, M. Servant a pu reconstituer l’aménagement des lieux. Même si, et nous le comprenons très bien, certaines choses dans ces appartements appartiennent au temps présent, notre imaginaire n’est pas pour autant mis en défaut et nous pourrions même attendre ici l’ennemi de pieds fermes, à l’intérieur de la pièce qui fut jadis le témoin de nombreuses allégories, peut-être pas toutes répertoriées d’ailleurs. De retour dans le vestibule, l’actuel mur d’enceinte sur lequel notre regard se pose, est lui du XVIIIe siècle et a permis de redéfinir l’espace de cette forteresse pour une utilisation plus confortable. Ainsi cette amélioration protectionniste est sans nul doute le plus beau vestibule qu’il nous ait été donné de découvrir dans ce type d’architecture. Le dallage du sol en belles grosses pierres patinées, son somptueux escalier sur mur d’échiffre constitué lui aussi de superbes pierres taillées ainsi que sa rambarde de bois d’origine invitent notre imagination à nous représenter en haut de ce dernier en costume et robe de mariés. Nous l’empruntons pour atteindre l’étage supérieur. Face à nous, l’ancienne entrée médiévale donnant accès aux parties habitables est incroyablement bien conservée. Cette structure d’origine pèse de tout son poids sur la mémoire structurelle du château et donne à son franchissement le frisson d’un voyage temporel émouvant. La première chambre reflète tout particulièrement la rusticité d’une époque médiévale avec son lit à baldaquin, ses fenêtres aux ferrures imposantes et l’omniprésence du bois verni craquant à notre approche. Cette chambre n’est pas sans nous rappeler celle de Blanche d’Auvergne dont nous vous avions conté l’histoire lors de notre visite au château de l’Espinasse (v. Altilimag 10). La deuxième chambre que Dominique Servant nous présente a un style bien différent de la précédente. En effet, la décoration est plutôt d’époque XVIIIe. Cette chambre jaune comme elle fut appelée jadis est joliment décorée avec du beau mobilier. Au mur, un portrait authentique du jeune roi Louis XV se fait le gardien des lieux de son regard qui ne vous lâchera pas. L’agencement

septembre 2023

DÉCOUVERTES
château de haute-loire

Trésor des Mercœur en lumière à Esplantas

Trésor des Mercœur en lumière à Esplantas

Dans le Gévaudan, il n’y a pas que la bête sur qui l’on peut «conter». De l’an 994 à l’an 1048, Saint Odilon de Mercœur s’illustre en tant qu’Abbé de Cluny en France, mais aussi dans toute l’Europe. Deux cents ans plus tard, au XIIIe siècle, un nouvel Odilon de Mercœur est à la tête de la seigneurie de Saugues. Ce très proche du Roi de France*, Baron de presque toute l’Auvergne devient évêque de Mende en 1247. Malgré ce statut enviable et la puissante famille qu’il représentait au travers des neuf baronnies en son pouvoir, il fit face à des contestations mettant sa légitimité à l’épreuve. Ces possessions féodales, dans un contexte géopolitique d’une époque très mouvementée, ont été les sources principales de guerres successives et ravageuses dans tout le pays auvergnat. C’est donc dans une optique protectionniste que l’évêque de Mende fera construire à 1060 mètres d’altitude sur un socle de granit tout à fait approprié, le château d’Esplantas que nous sommes allés visiter.
 

Au loin, un ostensible octogone irrégulier fait front.

En arrivant de Saugues, le château est déjà à lui seul le symbole d’un passé tumultueux. Sa forme polygonale irrégulière est assez rare. Sur ses différents flancs, nous pouvons déjà apercevoir les mutations anachroniques que cet emblème du Gévaudan a subies tout au long des siècles jusqu’à ce jour. Sur la colline en face de lui, nous repérons un emplacement de choix pour immortaliser la rencontre avec ce majestueux édifice. Ce château est d’allure ostentatoire et a certainement dû repousser plus d’un ambitieux assaillant. Nous prenons alors quelques photos avant de rejoindre Dominique Servant.
  Notre guide du jour n’est pas un Mercœur, mais il est le propriétaire du château d’Esplantas depuis plus de trente ans. Dominique Servant, passionné d’histoire et surtout de celle de son château, nous accueille au pied d’un donjon d’architecture philippienne** dont nous garderons secret l’exposé, pour l’instant. Ne dit-on pas toujours qu’il faut garder «le meilleur pour la fin» ?
 

Tout ou presque tout, était à refaire.

Notre homme restaure ce haut lieu altiligérien avec une pugnacité sans limites depuis plus de vingt ans. Cela impose le respect, mais aussi l’admiration. Qui de nos jours peut avoir une telle patience régentée par une si grande et dévorante passion ? Au fil du temps, l’ensemble de ce château a été divisé en plusieurs propriétés et il aura fallu à Dominique Servant pas moins de cinq transactions successives étalées sur plusieurs années pour qu’Esplantas recouvre enfin son authenticité et sa splendeur originelle. Le temps et les multiples désengagements de tous les différents propriétaires ont fait de cette restauration une tâche ardue. Tout ou presque avait été abandonné, sali, détruit et même mis aux enchères sur place. C’est donc après une présentation historique de l’extérieur du domaine et avec une digne fierté que le châtelain nous convie à entrer dans ces vestiges moyenâgeux pour en admirer toute la personnalité ainsi que ses modifications.
 

«Wahou» et plus encore.

La visite est privilégiée. En effet, habituellement le public ne peut pas visiter la partie privée du château dans laquelle nous nous trouvons. C’est un apanage que nous a réservé Dominique Servant. Néanmoins, en groupe et sur demande passionnelle, le propriétaire accepte parfois de déroger à cette règle.
Dans le vestibule, entrée majestueuse du château, plusieurs époques se manifestent clairement. La façade primitive devant nous constituant le logis, habité par monsieur Servant à la belle saison, est le reflet authentique du Moyen Âge. Les pierres, les boiseries, les fenêtres, tout ou presque, car il a bien fallu restaurer ce qui était en très mauvais état, est absolument d’origine contrôlée. Une AOC en quelque sorte. 

Nous entrons dans les pièces d’habitation. Ces dernières respectent avec précision les esquisses du passé. Le goût et la passion de notre hôte ont convergé vers un seul objectif; la conformité d’autrefois. Grâce à un document ancien répertoriant l’ensemble du mobilier du château, M. Servant a pu reconstituer l’aménagement des lieux. Même si, et nous le comprenons très bien, certaines choses dans ces appartements appartiennent au temps présent, notre imaginaire n’est pas pour autant mis en défaut et nous pourrions même attendre ici l’ennemi de pieds fermes, à l’intérieur de la pièce qui fut jadis le témoin de nombreuses allégories, peut-être pas toutes répertoriées d’ailleurs.
 
De retour dans le vestibule, l’actuel mur d’enceinte sur lequel notre regard se pose, est lui du XVIIIe siècle et a permis de redéfinir l’espace de cette forteresse pour une utilisation plus confortable. Ainsi cette amélioration protectionniste est sans nul doute le plus beau vestibule qu’il nous ait été donné de découvrir dans ce type d’architecture. Le dallage du sol en belles grosses pierres patinées, son somptueux escalier sur mur d’échiffre constitué lui aussi de superbes pierres taillées ainsi que sa rambarde de bois d’origine invitent notre imagination à nous représenter en haut de ce dernier en costume et robe de mariés.

Nous l’empruntons pour atteindre l’étage supérieur. Face à nous, l’ancienne entrée médiévale donnant accès aux parties habitables est incroyablement bien conservée. Cette structure d’origine pèse de tout son poids sur la mémoire structurelle du château et donne à son franchissement le frisson d’un voyage temporel émouvant.
 
La première chambre reflète tout particulièrement la rusticité d’une époque médiévale avec son lit à baldaquin, ses fenêtres aux ferrures imposantes et l’omniprésence du bois verni craquant à notre approche. Cette chambre n’est pas sans nous rappeler celle de Blanche d’Auvergne dont nous vous avions conté l’histoire lors de notre visite au château de l’Espinasse (v. Altilimag 10). La deuxième chambre que Dominique Servant nous présente a un style bien différent de la précédente. En effet, la décoration est plutôt d’époque XVIIIe. Cette chambre jaune comme elle fut appelée jadis est joliment décorée avec du beau mobilier.
 
 
 
Au mur, un portrait authentique du jeune roi Louis XV se fait le gardien des lieux de son regard qui ne vous lâchera pas. L’agencement ordonné fait par notre guide accorde à la pièce une ambiance propice à nous laisser croire à l’arrivée soudaine d’une duchesse enrubannée d’étoles soyeuses.

Une exposition pour maîtriser l’histoire Vellave.

En bas de l’escalier, nous empruntons un accès qui amène à deux grandes salles d’exposition par une cage d’escalier menant au premier étage du donjon extérieur. Mais tout d’abord, avant de s’attacher à ce donjon unique en Haute-Loire, parlons un peu de l’exposition. Elle a pour objectif d’expliquer en détail sur plus d’une vingtaine de panneaux muraux la guerre de la Ligue***. On aurait aimé vous en parler davantage, mais il s’agit d’une très longue épopée. Vous pourrez vous informer à ce sujet en prenant le temps de lire les nombreux documents exposés. Parsemées dans l’une des deux pièces, une collection historique d’armes à feu, des photos montrant l’évolution des différents travaux menés par notre châtelain et surtout les différences entre l’état dans lequel il a acheté le château et celui d’après restauration. Ainsi vous ressentirez pleinement les efforts physiques et financiers qu’il lui a fallu fournir. Quand on vous dit «passion dévorante», on ne se trompe pas !

La pièce maîtresse, le donjon.

Nous y sommes presque au fameux donjon. Nous ressortons du château pour y accéder. Il est possible d’y pénétrer par la cage d’escalier de l’intérieur, mais Dominique Servant préfère nous le faire découvrir en y accédant par l’extérieur. Et pour cause, jusqu’au XVIIIe siècle, la porte du rez-de-chaussée n’existait pas, elle fut creusée par la suite, pour une servitude plutôt agricole. Mais par cette ouverture, en baissant un peu la tête pour ne pas nous cogner en entrant dans l’enceinte, l’épaisseur des murs qui est de trois mètres donne tout de suite le ton sur la solidité de ce donjon médiéval à la triple fonctionnalité.

À l’origine, cette magnifique tour seigneuriale de vingt-cinq mètres de haut plus un toit et de douze mètres de diamètre avait donc à la fois fonction de garde-manger, d’habitation et d’une occupation militaire repérable de loin. 
Le rez-de-chaussée par lequel nous sommes entrés dans ce donjon est dépourvu de fenêtre et du fait de l’épaisseur de ses murs, ce premier espace est idéalement isolé pour la conservation des provisions. Ces dernières y étaient stockées et acheminées d’étage en étage par une simple petite trappe au plafond puisqu’il n’y avait aucune porte. Il est probable qu’au Moyen Âge une échelle permettait l’accès d’un domestique. Aujourd’hui, c’est par un escalier de bois construit par le restaurateur que nous pouvons accéder de la «cave» à l’étage supérieur. Au passage, Dominique Servant nous explique que les énormes poutres supportant le plafond ont été carottées pour être expertisées et pour préciser la datation du donjon. À ce propos, nul doute que le bois ainsi que le reste de l’édifice, soient de l’époque médiévale. Le bois a été abattu entre l’automne et l’hiver 1251 !
   
 
La pièce que nous découvrons maintenant était la salle publique. Elle est remarquable. Et si nous étions au niveau de l’accès intérieur du château, c’est par cette salle que nous aurions pénétré dans le donjon. Le seigneur y accueillait ses vassaux, y collectait les impôts et y rendait probablement aussi justice. La surface de cette pièce est légèrement plus vaste que la cave en dessous et techniquement il en va ainsi progressivement dans les autres étages du dessus, les murs étant de moins en moins épais.
Maintenant, par un escalier rampant bâti dans les murs, nous accédons à l’espace qui faisait office d’habitation. Une belle cheminée et des latrines modernes pour l’époque ; deux portes d’accès en quinconce les rendaient plus intimes. La pièce dispose également d’un lavabo pour les ablutions d’un placard de rangement. Pour l’époque, on pouvait déjà parler de confort, bien que ces aménagements aient été taillés à même les murs. Les coussièges n’ont pas été oubliés non plus. Un véritable studio médiéval !
Au centre, la trappe pour s’approvisionner en dit long sur la force des bras et la longueur de corde à déployer pour atteindre la cave deux niveaux plus bas.
   
   
Par un autre escalier rampant, nous accédons au sommet du donjon, enfin presque. Il manque à l’édifice quelque cinq mètres de pierre ainsi que son toit. Ce sommet était la partie militaire du donjon et d’ici, la vue permettait de voir l’ennemi d’où qu’il provienne. Le manque d’entretien et les assauts du temps auront eu raison du sommet menant peu à peu le donjon vers un état de ruine. Aux alentours de 1934, le domaine appartenait à plusieurs familles d’agriculteurs locaux. Ces derniers utiliseront les pierres écroulées de la tour pour construire une maison une dizaine de mètres plus loin.

Néanmoins, la vue depuis ce sommet est incroyable et malgré un vent très frais le temps était au beau fixe, alors y nous sommes restés quelques instants, ébahis par la beauté du paysage.
Avant de quitter notre guide historique, nous faisons avec lui le tour extérieur du château. Sur l’un de ses côtés, nous pouvons deviner les multiples époques des transformations subies grâce aux nombreuses fenêtres différentes. Ainsi se termine notre découverte. Nous repartons les yeux pétillants, fascinés par l’histoire du château d’Esplantas et de son restaurateur opiniâtre que nous remercions grandement pour son accueil.
 
LÉGENDES       
* Philippe Auguste est sacré à Reims dans sa quatorzième année, le 1er novembre 1179, du vivant de son père Louis VII le Jeune. L'année suivante, le 28 avril 1180, il est marié à Isabelle de Hainaut, qui lui apporte en dot l'Artois, Arras et Saint-Omer. Comme son père meurt le 18 septembre suivant, le voilà désormais seul à régner sur la France sous le nom de Philippe II. Malgré ses déboires matrimoniaux, malgré aussi sa fragilité nerveuse, il va se révéler un grand souverain par son œuvre administrative et ses conquêtes, qui lui vaudront de quadrupler le domaine royal et le feront parfois surnommer le Conquérant.
** Le terme « architecture philippienne » se rapporte à un modèle de fortifications érigées sous Philippe Auguste et ses successeurs, afin de remplacer les anciennes buttes à palissade.
*** Pour tout savoir sur La Ligue Vellave voici un lien intéressant : fr.wikisource.org/wiki/La_Ligue_en_Velay

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Le Bourg - 43170 Esplantas

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